Prendre en charge une intoxication aux sels de lithium

Quels symptômes doivent faire suspecter une intoxication par sels de lithium ?

– troubles digestifs : nausées/vomissements, douleurs abdominales et diarrhées à la phase précoce de l’intoxication.

– troubles neurologiques : variables,

– il peut exister des troubles de la conscience (de la simple obnubilation au coma) et des convulsions (qui peuvent être infra-cliniques).

– s’y associent généralement des tremblements, une ataxie et une hypertonie.

– cardio-vasculaires : dans de rares cas il peut exister des anomalies ECG (bloc auriculo-ventriculaire, pseudo-Brugada) ou un état de choc qui peut être lié à un trouble de la conduction mais le plus souvent à une hypovolémie secondaire à la déshydratation extracellulaire induite par les symptômes digestifs.

– autres symptômes : il est parfois observé la survenue d’un diabète insipide néphrogénique qui est davantage un effet secondaire du traitement qu’un symptôme d’intoxication. Il se manifeste par un syndrome polyuro-polydypsique associé à une hyponatrémie.

Quels examens paracliniques faire devant une intoxication par sels de lithium ?

Les examens à réaliser systématiquement devant une suspicion d’intoxication par sels de lithium sont

  • Un ionogramme sanguin afin de vérifier la fonction rénale (le lithium est exclusivement éliminé par voie rénale) et l’existence d’une hyponatrémie (diabète insipide)
  • Un ECG afin de vérifier de l’absence d’anomalie de la conduction
  • Une lithiémie plasmatique. La lithiémie intra-érythrocytaire n’a pas démontré d’intérêt pour la prise en charge d’un surdosage aigu ou chronique en sels de lithium.
  • En cas de troubles de la conscience, il faut réaliser un électroencéphalogramme pour rechercher des convulsions infra-cliniques.

Quels sont les facteurs prédictifs de gravité des intoxications par sels de lithium ?

Plusieurs facteurs prédictifs de gravité ont été étudiés :

  • Dose supposée ingérée : Comme pour beaucoup d’intoxication elle n’est généralement pas fiable.
  • Forme galénique : Les intoxications par les formes à libération immédiate seraient moins sévères que les intoxications par forme à libération prolongée. Cela était basé sur des données pharmacocinétiques mais n’est pas vérifiée par les études cliniques.
  • Type d’intoxication : Les intoxications aigues sur chroniques (e. ingestion d’une grande quantité de lithium chez un patient traité chroniquement) seraient plus graves que les intoxications volontaires chez un sujet naïf ou le surdosage d’un patient traité au long cours. En pratique, toutes les intoxications doivent être considérées comme potentiellement graves quel que soit le type d’exposition. A noter que les surdosages sont généralement secondaires à une insuffisance rénale aigue ; le lithium n’étant pas métabolisé, il n’existe pas d’interaction métabolique.
  • Lithiémie : Il n’existe pas de bonne corrélation entre lithiémie et gravité. Cela est probablement lié au fait que les symptômes neurologiques sont plus dus à la quantité de lithium accumulé dans le cerveau (mécanisme imparfaitement connu) qu’à l’exposition déterminé à un moment t par mesure de la lithiémie. Cela explique notamment qu’il est possible d’observer une intoxication par sels de lithium à « lithiémie normale ». Néanmoins, plusieurs études suggèrent qu’une lithiémie > 5 mmol/l est un facteur de risque d’intoxication sévère par sels de lithium.

Quelle est la prise en charge d’une intoxication par sels de lithium ?

Le traitement des patients intoxiqués par sels de lithium tient compte des caractéristiques pharmacocinétiques du lithium.

  • Décontamination :
    • le lithium n’est pas carbo-absorbable ;le charbon activé n’est donc d’aucune utilité.
    • Il est recommandé en revanche de réaliser une décontamination digestive par une solution de polyéthylène glycol en cas d’ingestion de lithium LP et probablement également en cas d’ingestion massive de lithium à libération immédiate. L’irrigation intestinale doit être poursuivie jusqu’à ce que les selles soient claires. Elle est contre-indiquée en cas de troubles de la conscience chez un patient non-intubé. Elle peut être réalisée par sonde gastrique chez le patient intubé.
  • Épuration :
    • Le lithium étant éliminé par voie rénale, il faut hydrater les patients dans un premier temps puisqu’ils présentent dans 2/3 des cas, une insuffisance rénale aigue liée à la déshydratation extracellulaire.
    • La dialyse est efficace pour éliminer le lithium du compartiment sanguin ; mais son efficacité pour épurer le lithium des compartiments cellulaires et pour améliorer le pronostic reste à démontrer. Il est conseillé de recourir à un centre expert ou à un centre antipoison pour discuter de son indication.
  • Surveillance :
    • Clinique : les patients suspects d’être intoxiqués par le lithium doivent être surveillés et scopés au mieux dans une unité de surveillance continue, même asymptomatiques.
    • Biologique : la lithiémie et la créatininémie doivent être mesurée à intervalles réguliers pour mieux prédire l’évolution en déterminant la phase de pharmacocinétique (absorption/élimination) à laquelle se situe le patient.

Références:

– Vodovar D, El Balkhi S, Curis E, Deye N, Mégarbane B. Lithium poisoning in the intensive care unit: predictive factors of severity and indications for extracorporeal toxin removal to improve outcome. Clin Toxicol (Phila). 2016;54(8):615-623.

– Decker BS, Goldfarb DS, Dargan PI, et al. Extracorporeal Treatment for Lithium Poisoning: Systematic Review and Recommendations from the EXTRIP Workgroup. Clin J Am Soc Nephrol. 2015;10(5):875-887.

– Baird-Gunning J, Lea-Henry T, Hoegberg LCG, Gosselin S, Roberts DM. Lithium Poisoning. J Intensive Care Med. 2017;32(4):249-263.